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Lésion de la moëlle épinière: le couplage neurovasculaire étudié

Thierry Paquette, doctorant en sciences biomédicales, mène des recherches fondamentales sur le couplage neurovasculaire de la moelle épinière.
Crédit : Josée Beaulieu

Les patients affectés par une lésion de la moëlle épinière, souvent le résultat d’un traumatisme lié à un accident, doivent composer avec une perte totale ou partielle de la mobilité de leurs membres inférieurs. Cette conséquence est due au fait que les neurones de la moëlle épinière, qui font la liaison entre le cerveau et les jambes, sont endommagés. De plus, on remarque une réduction du débit sanguin sous la lésion, affectant négativement la santé des neurones. « On peut penser qu’en réussissant à augmenter le débit sanguin sous la lésion, on serait capable d’améliorer la santé des neurones et, ainsi, augmenter la fonction motrice dans une perspective de réadaptation », croit Thierry Paquette, doctorant en sciences biomédicales à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

Pour en arriver à cette conclusion, le jeune chercheur a étudié un mécanisme appelé « couplage neurovasculaire », soit la relation entre l’activité neuronale et le débit sanguin. Il précise : « Dans le cerveau, ce mécanisme est très bien connu. Il peut parfois être affecté par l’augmentation de la pression artérielle lors d’une stimulation douloureuse ou encore par l’isoflurane, qui est un agent anesthésiant utilisé en recherche sur les animaux. »

Couplage neurovasculaire de la moëlle épinière

Partant de là, Thierry est allé voir si le même mécanisme est à l’œuvre dans la moëlle épinière, à savoir si le couplage neurovasculaire est affecté par l’augmentation de la pression artérielle et par l’isoflurane. Les tests sur des rats l’ont amené à faire une première découverte mondiale : « Nous avons démontré que, dans la moëlle épinière, les augmentations de pression artérielle n’affectent pas le couplage neurovasculaire, contrairement à ce qui est observé dans le cerveau. Cela signifie qu’il y a là des mécanismes beaucoup plus forts pour empêcher les augmentations du débit sanguin malgré des augmentations de la pression artérielle », explique celui dont la thèse est dirigée par les professeurs Mathieu Piché et Hugues Leblond du Département d’anatomie de l’UQTR.

Chez les modèles animaux, lorsqu’on augmente le débit sanguin sous la lésion, on constate un effet positif sur la motricité des membres. Même si le mécanisme à l’étude en est encore à l’étape de la recherche fondamentale, on pense que, concrètement pour le patient, on pourrait augmenter le débit sanguin sous la lésion, par exemple, grâce à un procédé pharmacologique. « En connaissant bien les mécanismes du couplage neurovasculaire, on serait capable d’avoir des cibles pour améliorer le débit sanguin chez les personnes qui ont une blessure de la moëlle épinière et, ainsi, augmenter leur chance de récupérer leurs fonctions », soutient Thierry.

Utilisation de l’isoflurane

Autre découverte reliée étroitement à la première, l’équipe de chercheurs a démontré que l’isoflurane (agent anesthésiant utilisé en recherche animale) n’affecte pas le couplage neurovasculaire de la moëlle épinière, contrairement au cerveau. Pour la communauté scientifique, cela signifie qu’il est possible d’utiliser l’isoflurane avec l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf), qui permet de voir les changements de débit sanguin, pour obtenir des résultats précis. « En somme, nous avons démontré que l’IRMf peut être utilisé autant en contexte de nociception [stimulation douloureuse] qu’avec l’anesthésie à l’isoflurane pour étudier le couplage neurovasculaire de la moëlle épinière », résume-t-il.

Le rôle des astrocytes

Poussant encore plus loin, les chercheurs ont voulu comprendre pourquoi il existe des différences entre le cerveau et la moëlle épinière quant au couplage neurovasculaire. Ils se sont alors intéressés aux astrocytes, une sous-cellule qu’on retrouve dans le système nerveux, autant dans le cerveau que dans la moëlle épinière. Un de leur rôle consiste à faire le lien entre les neurones et les vaisseaux sanguins; ils ont donc un impact sur la réponse vasculaire en lien avec l’activité neuronale.

Thierry poursuit : « Les astrocytes sont très actifs dans le couplage neurovasculaire du cerveau. Nous avons été voir si ils sont aussi actifs dans la moëlle épinière. Notre conclusion avance qu’ils sont aussi importants dans la moëlle épinière que dans le cerveau pour le couplage neurovasculaire, et que celui-ci est affecté si les astrocytes sont affectés. »

Impacts des découvertes pour la communauté scientifique

Les découvertes de Thierry auront des impacts sur les travaux de la communauté scientifique, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités pour l’étude de la moëlle épinière avec l’IRMf en contexte de nociception et d’anesthésie à l’isoflurane. « Ni les changements de pressions artérielles induits par nociception, ni l’isoflurane n’affectent le couplage neurovasculaire de la moëlle épinière. Cela veut dire que toutes les données qu’on observe avec l’IRMf s’avèrent justes et précises. À long terme, si l’on est capable d’étudier la moëlle épinière en IRMf, on peut pousser plus loin et faire des découvertes qui aideront la population en général », conclut le jeune chercheur.

Notons que Thierry Paquette a terminé au premier rang au Québec pour le concours de bourse au doctorat du FRSQ et 7e au Canada pour la bourse Graham Bell du CRSNG. Il est également récipiendaire du prix de dynamisme en recherche du groupe CogNAC (Cognition, Neurosciences, Affect et Comportement) de l’UQTR pour 2019.

Vous pouvez également consulter la publication de Thierry Paquette (premier auteur), intitulée « Regulation of cortical blood flow responses by the nucleus basalis of Meynert during nociceptive processing » et publiée dans Neuroscience Research.

Source :
Service des communications
UQTR, 19 février 2020

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